Ingvild LOUBET

Ingvild LOUBET

Évolution de la résistance aux herbicides chez l’ambroisie à feuille d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) : recherche des déterminismes génétiques et application au diagnostic moléculaire

Résumé :

L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) est une adventice nuisible et allergisante, principalement contrôlée en milieu agricole par des herbicides de la famille des inhibiteurs de l’acétolactate synthase (ALS). L’efficacité de cette gestion chimique a récemment été confrontée à l’apparition de cas de résistance impliquant les deux grandes catégories de mécanismes : la résistance liée à la cible (RLC, mutations structurales dans le gène de l’ALS) et la résistance non liée à la cible (RNLC, mutation régulatrices et/ou structurales du métabolisme secondaire). L’objectif fondamental de ce travail était d’identifier des déterminismes génétiques de la résistance aux inhibiteurs de l’ALS ayant évolué chez l’ambroisie en France. D’un point de vue appliqué, ce travail visait également à préparer le développement d’un outil de diagnostic moléculaire « à haut débit » destiné à assurer un diagnostic rapide de la résistance.
Dans une première partie, nous avons évalué la situation de la résistance de l’ambroisie en France, caractérisé les mécanismes en cause et leurs modalités d’évolution. À l’aide de tests biologiques couplés au séquençage du gène de l’ALS, nous avons montré que la résistance de l’ambroisie à deux substances actives, l’imazamox et le tribénuron, est émergente en France, et principalement due à des mécanismes de RNLC. Les profils de résistance observés suggèrent qu’il existe une diversité de mécanismes de RNLC. Concernant la RLC, nous avons montré qu’elle évolue localement, par l’apparition multiple et indépendante d’allèles mutants de l’ALS. L’application innovante du séquençage à haut débit pour le diagnostic de la RLC à l’échelle nationale a permis d’identifier plusieurs foyers émergents de RLC, ainsi qu’une diversité insoupçonnée de mutations dans le gène de l’ALS. Dans une seconde partie, nous nous sommes concentrés sur la recherche de déterminismes génétiques de la RNLC. Une approche transcriptomique (RNASeq) associée à la recherche de polymorphismes nucléotidiques a été conduite, sur l’hypothèse que des gènes et/ou des marqueurs de la RNLC peuvent être identifiés sur la base de leur niveau d’expression et/ou de polymorphismes de séquence caractéristiques des plantes résistantes aux inhibiteurs de l’ALS. Pour la première fois, cette approche a été conduite directement sur du matériel végétal du champ, à savoir : six populations possédant des origines géographiques et/ou des profils de résistance distincts. Des différences d’expression constitutives entre plantes résistantes et sensibles ont été identifiées. Elles concernaient notamment des familles de gènes dont l’implication dans la métabolisation des herbicides est connue (cytochromes à P450, enzymes à activité transférase, transporteurs…), ainsi que des gènes pouvant intervenir dans des cascades de régulation activées par l’herbicide. La validation du niveau d’expression relatif et de la capacité des candidats à prédire la RNLC a été effectuée à partir d’un échantillonnage massif de plantes. L’ensemble des résultats indique qu’une très grande diversité de mécanismes est impliquée dans la RNLC au sein et entre chacune des populations, soulignant le caractère hautement polygénique de la RNLC chez l’ambroisie. En outre, l’analyse de la réponse précoce des plantes au traitement a montré que des gènes impliqués dans le métabolisme secondaire des plantes sont spécifiquement induits par le traitement chez les plantes résistantes des différentes populations. Enfin, des polymorphismes potentiellement corrélés à la RNLC ont été identifié. Leur validité en tant que marqueurs de résistance reste à vérifier.
La diversité des mécanismes identifiés au sein de chacune des populations rend le développement d’un outil de diagnostic moléculaire complexe, mais ouvre des perspectives passionnantes quant à l’étude de la dynamique évolutive de l’adaptation d’une espèce envahissante soumise à une pression de sélection anthropique particulièrement intense.

Travail réalisé sous la direction de Christophe Délye (CR, INRAE Dijon), Valérie Le Corre (CR, INRAE Dijon) et Benoit Barrès (USC CASPER, ANSES Lyon).

Thèse soutenue le 19 mai 2022

Jury:

Antony Champion (DR, IRD Montpellier)

Martin Laforest (CR, CRD St Jean sur Richelieu)

Jean-Philippe Guillemin (Professeur, Institut Agro Dijon)

Lucie Meyer (Cheffe de projet mondial sur la résistance aux herbicides, BASF)

Sabine Fillinger (DR, INRAE Versailles-Grignon). 

Date de création : 26 juillet 2023 | Rédaction : VN