Contexte
La réduction voire l’arrêt de l’utilisation des pesticides de synthèse est devenu un enjeu majeur en agriculture. Il n’existe toutefois pas d’alternative unique et simple à mettre en œuvre alliant efficacité de protection des cultures et rentabilité économique. Ce constat est d’autant plus criant pour les cultures pérennes telles que la vigne. Dans un contexte agro-écologique, la stratégie est de combiner différents leviers à effets partiels, dont l'utilisation de Stimulateurs de Défenses des Plantes (SDP). L’efficacité des SDP est constante en conditions semi-contrôlées mais s’avère généralement variable, voire insuffisante au vignoble. Il est donc nécessaire d’acquérir de nouvelles connaissances sur l’immunité des plantes et sur les moyens d’optimiser sa stimulation au champ. Dans ce contexte, nos travaux, à double finalité fondamentale et appliquée, se déclinent en 3 axes principaux : 1) Etude de l’immunité de la vigne, 2) Identification de leviers permettant d’optimiser les réponses immunitaires de la vigne et 3) Développement du biocontrôle en viticulture.
Axe 1 : Etude de l’immunité de la vigne
Lors d’interactions plantes-microorganismes, des motifs moléculaires associés à ces microorganismes, les MAMP (Microbe-Associated Molecular Pattern) ou libérés de la paroi végétale au cours de l’interaction, les DAMP (Damage-Associated Molecular Pattern) peuvent être reconnus par des récepteurs de type PRR (Pathogen Recognition Receptor) ; ce qui active les défenses de la plante. Notre objectif est d’étudier, chez la vigne, les récepteurs PRR capables de les percevoir. Nous en avons identifié 16 appartenant à la famille des récepteurs kinases à domaine LysM (Vitis vinifera LysM-RK ou VvLYK) et avons démontré que deux sont impliqués dans la perception de SDP chitooligosaccharidiques tels que la chitine et le chitosan. Les objectifs sont :
- d’étudier ces récepteurs VvLYK au sein de la diversité génétique de la vigne et à l’échelle du cep. Leur étude chez différents génotypes permettra de vérifier si la présence de certaines mutations naturelles dans les gènes correspondants peut être corrélée à une meilleure résistance aux maladies et pourra permettre d’orienter les programmes de sélection variétale visant à obtenir des vignes plus résistantes aux stress biotiques. L’analyse de leur expression spatio-temporelle (dans différents organes et à différents stades phénologiques) permettra aussi de cibler les périodes les plus enclines à la stimulation des défenses des plantes au vignoble afin de développer des outils d’aide à la décision rendant les SDP plus performants.
- de comprendre comment la vigne différencie microorganismes pathogènes et bénéfiques pour enclencher ou inhiber un programme d’immunité ou de symbiose. Une approche de génomique fonctionnelle par édition génomique CRISPR-Cas9 est en cours pour confirmer ou non l’implication de certains récepteurs VvLYK dans la mise en place des voies de défenses ou leur inhibition. La perception de SDP et de facteurs Myc dérivés de champignons mycorhiziens sera comparée sur des lignées WT et KO CRISPR-Cas9 pour des VvLYK candidats, et les vignes KO seront soumises à l’infection d’agents pathogènes et à des essais de mycorhization in vitro.
Par ailleurs, nous cherchons à comprendre comment cette immunité (basale ou induite) peut être contournée lors de problématiques de dépérissement (fongique, viral ou physiologique) du vignoble.
Axe 2 : Identification de leviers permettant d’optimiser les réponses immunitaires de la vigne.
Désinhibition des défenses
Nous avions montré chez une espèce modèle que des enzymes, les histones désacétylases de type-2 (HD2), sont des régulateurs négatifs des réponses immunitaires des plantes. Sur la base de ces résultats, nous avons montré que l’application d’un désinhibiteur de défenses (inhibiteur des HD2) préalable à l’application d’un SDP augmente l’efficacité de ce dernier pour protéger la vigne contre le mildiou et l’oïdium. A présent, l’objectif est de caractériser le mode d’action de la désinhibition (comparaison des réponses de défenses induites par un SDP avec ou sans désinhibition préalable, identification des gènes régulés négativement par les HD2) et de valider cette stratégie au vignoble, sur cépages traditionnels et variétés résistantes.
Biostimulation
Les biostimulants (BS) sont définis comme « des substances et/ou des micro-organismes dont la fonction […] est la stimulation des processus naturels qui favorisent/améliorent l’absorption ou l’utilisation des nutriments, la tolérance aux stress abiotiques, ou la qualité ou le rendement de la culture […] » (EBIC). Ainsi, les BS représentent des leviers agroécologiques d’intérêt.
Contrairement aux fongicides qui agissant directement sur les agents pathogènes, les SDP agissent via la stimulation des défenses des plantes, laquelle dépend de leur état physiologique, lui-même impacté par des facteurs environnementaux (stress abiotiques par ex.). Ainsi, des BS, via leurs effets sur la physiologie de la plante, sont susceptibles de moduler ses réponses de défenses induites par les SDP. Nous avons développé un dispositif expérimental adapté à la caractérisation des effets de BS sur vitroplants de vigne (phénotypage aérien et racinaire, effets sur la physiologie de la plante) qui nous a permis de démontrer qu’un BS potentialisait la réponse de la vigne à un SDP et l’induction de sa résistance au mildiou. A présent, l’objectif est d’élargir l’étude à différents génotypes et d’identifier d’autres BS efficaces sur vigne, notamment ceux induisant une résistance à des stress abiotiques (hydrique). Plus globalement, l’utilisation de biosolutions (SDP et BS) permettrait d’agir sur les contraintes (biotiques et abiotiques) auxquelles est soumise la vigne.
Microbiote / holobionte
En parcelle, la vigne vit en association avec une diversité de microorganismes (bactéries, champignons et virus) qui modulent sa physiologie et, par conséquent, son immunité. Cette interaction étroite a permis de définir le concept d’holobionte vigne. La majeure partie des microorganismes qui interagissent avec une plante proviennent du sol et pénètrent le végétal par les racines. En transversalité avec le groupe « Santé de la vigne : défenses et mycorhizes », des recherches sont donc ciblées plus à même sur le compartiment racinaire. L’objectif est d’étudier son fonctionnement, en lien avec les autres compartiments du végétal, dans des situations sanitaires contrastées (vignes asymptomatiques vs dépérissantes) et/ou en réponse à des contraintes abiotiques (hydrique notamment) ; ceci afin de mieux appréhender sa spécificité et sa capacité à mobiliser ses défenses en fonction des génotypes de porte-greffe et d’identifier les répercussions (structurales, transcriptomiques, métaboliques, microbiennes) associées à la structuration et à la physiologie de l’holobionte vigne. De plus, ces travaux devraient permettre de définir des bioindicateurs i- associés au dépérissement qui se voudraient présymptomatiques et qui pourraient faciliter les étapes de diagnostic précoce et l’identification de leviers d’action pertinents et ii- utiles au choix des porte-greffes dans un contexte de renouvellement du vignoble et d’identifier des leviers (ex : utilisation de biosolutions) conditionnant ou améliorant la physiologie du système racinaire/radicellaire et donc la capacité adaptative de la plante.
Les membres de l’équipe :
Personnels permanents :
Adrian Marielle PR
Aimé Sébastien AI
Blanchard Cécile IE
Bourque Stéphane MCF
Daire Xavier IR
Deulvot Chrystel AI (50%)
Héloir Marie-Claire MCF
Jacquens Lucile IE
Klinguer Agnès AI
Lamotte Olivier (chercheur invité)
Leborgne-Castel Nathalie PR
Noirot Elodie IE (25%)
Palavioux Karine TR
Poinssot Benoit PR
Trouvelot Sophie MCF
Truong-Cellier Hoai Nam CR
Contractuels :
Brulé Daphnée
Ilbert Chloé
Post-Doctorant
Villette Jérémy
Doctorants
Janotik Adam
Lasterre Laurine
Marzari Tania