Laly Rouch

Laly Rouch

Stockage de carbone dans les sols par les variétés de blé anciennes et modernes

Résumé : 

L'humanité est confrontée à deux grands défis : produire suffisamment de nourriture pour une population croissante et atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Le transfert de carbone vers le sol pourrait être un moyen de compenser les émissions de CO2. Cependant, on sait peu de choses sur la capacité des différents génotypes de cultures à améliorer la séquestration du carbone dans le sol. Nous émettons l'hypothèse que (i) le potentiel de séquestration du carbone des variétés de blé anciennes (homologuées avant 1960) est plus élevé que celui des variétés modernes, car on a constaté que les variétés anciennes développent des systèmes racinaires plus grands et plus profonds que les variétés modernes. De plus, (ii) les propriétés environnementales, telles que la présence d'intrants chimiques de synthèse ou les propriétés du sol, sont connues pour avoir un impact sur le carbone organique du sol et la dynamique des systèmes racinaires, et (iii) ces propriétés environnementales pourraient avoir un impact différent sur le développement des variétés anciennes et modernes, avec des conséquences différentes pour la séquestration du carbone.

Dans une première expérience, nous avons cultivé quatre variétés de blé modernes et quatre anciennes en plein champ, avec et sans intrants chimiques (azote, herbicide et fongicide). Les systèmes racinaires ont été échantillonnés à différentes profondeurs, analysés et incubés. Le type de variété (moderne ou ancienne) n'a pas affecté les caractéristiques des racines, la respiration des substrats ni les émissions de CO2. L'ajout d'intrants n'a pas affecté les traits racinaires, mais a influencé la respiration de substrats spécifiques et les émissions de CO2. La réponse la plus notable était due à l'interaction "type de sélection x intrants" : les intrants ont augmenté de 19% les émissions de CO2 du sol et des tissus racinaires des variétés anciennes, alors qu'aucun effet n'a été observé pour les variétés modernes. Dans une deuxième expérience, nous avons étudié les performances relatives des variétés anciennes et modernes en matière de stockage de carbone et de rendement, dans différents contextes pédologiques. Nous avons mené une expérience de terrain avec quatre variétés de blé modernes et quatre anciennes, sur quatre sites différents. Nous avons trouvé des racines plus longues pour les variétés anciennes dans deux sites, mais aucune différence pour d'autres caractéristiques des racines telles que la biomasse. Le type de sélection n'a pas affecté les émissions de CO2, sauf sur un site où les variétés anciennes ont émis moins de CO2 que les modernes. Les traits racinaires et les émissions de CO2 dépendaient également des propriétés du sol. Nous n'avons pas trouvé de différences significatives dans le rendement en grains entre les variétés anciennes et modernes. On s'attendait à un possible compromis entre le stockage du carbone et le rendement, mais nos résultats suggèrent que certains types de sol peuvent supporter à la fois un rendement élevé et le stockage du carbone, en particulier ceux qui ont une profondeur importante, un pH neutre et une texture fine.

Dans l'ensemble, ces résultats ne confirment pas l'hypothèse d'un stockage plus élevé de carbone organique dans le sol par les variétés de blé anciennes dans nos conditions expérimentales, avec un seul site dans lequel les émissions de CO2 étaient plus faibles pour les variétés anciennes. Les variétés anciennes peuvent même être responsables d'émissions de CO2 plus élevées en présence d'intrants. Les propriétés spécifiques du sol peuvent cependant favoriser à la fois le stockage du carbone et le rendement. Nous avons discuté de l'importance du dispositif expérimental (serre ou champ) pour expliquer la différence entre nos résultats et ceux de la littérature.

Thèse soutenue le 16 novembre 2022

Composition du jury

Mme. DIGNAC Marie-France     Directrice de recherche, INRAe, Paris                                                           Rapporteure

Mme. MENASSERI-AUBRY Safya Maître de conférences HDR, L’Institut Agro, Rennes                                Rapporteure

M. FOUCHE JulienMaître de conférences, L’Institut Agro, Montpellier:                                                          Examinateur

M. JEANDROZ Sylvain Professeur, L’Institut Agro, Dijon                                                                                    Examinateur

M. ROUMET Pierre Chargé de recherche, INRAE, Montpellier                                                                        Examinateur

M. BLOUIN Manuel   Professeur, L’Institut Agro, Dijon                                                                                   Directeur de thèse

M. FOLLAIN Stéphane Professeur, L’Institut Agro, Dijon                                                                                 Co-directeur de thèse