Cécile Jacques

Cécile Jacques

Processus écophysiologiques et moléculaires impliqués dans la mémoire du stress hydrique chez le pois : de la régulation de l’expression des gènes à la nutrition hydrominérale de la plante

Résumé

Le changement climatique induit des périodes de stress hydriques de plus en plus fréquents au cours du cycle de culture. Ces périodes de stress hydrique impactent négativement la plante, notamment en limitant la disponibilité des ressources (eau, éléments minéraux) et en limitant la fixation du carbone par la plante. Dans ce contexte, plusieurs études ont mis en évidence l'effet bénéfique de « priming » d'un premier stress sur la réponse à un second via l'induction d'une mémoire transcriptionnelle. Cette mémoire du stress dépend de modifications épigénétiques mises en place lors du premier stress. Ces modifications peuvent réguler l'expression de gènes dis «gènes mémoires » qui ont pu être caractérisés dans les parties aériennes chez Arabidospsis et le maïs notamment. Cependant, peu de connaissances de l'effet de la mémoire sur les différents processus physiologiques de la plante sont disponibles. Au cours de notre étude nous avons voulu mettre en évidence la mémoire de la plante à différents niveaux allant de l'expression des gènes aux traits physiologiques de la plante. Nous avons choisi de mener notre étude sur le pois, et plus particulièrement son système racinaire, celui-ci présentant de nombreux intérêts agro-écologiques et nutritionnels. Nous avons dans un premier temps caractérisé l'effet de 13 carences élémentaires (N, Mg, P, S, K, Ca, B, Mn, Fe, Ni, Cu, Zn, Mo) sur le ionome du pois allant de l'échelle de l'organe à l'échelle de la plante. Cela nous a permis d'obtenir une signature ionomique spécifique de chaque carence. Dans un second temps nous avons voulu caractériser le potentiel effet bénéfique de la mémoire du stress lors d'un stress hydrique récurrent. Pour cela nous avons caractérisé les « gènes mémoires » au sein du système racinaire, et plus précisément au sein des racines. Puis nous avons voulu caractériser les métabolites dont l'accumulation était spécifiquement régulée lors d'un stress hydrique, ceux-ci pouvant découler de la régulation des « gènes mémoires ». Et enfin, nous avons pu caractériser l'impact d'un stress hydrique récurrent à l'échelle des processus physiologiques de la plante en caractérisant sa nutrition hydro-minérale. Ainsi chez le pois une mise en place de la mémoire transcriptionnelle a pu être mise en évidence via la régulation de gènes impliqués dans le marquage épigénétique au sein des racines. De plus, dans ce même compartiment, trois antioxydants spécifiquement accumulés lors d'un stress hydrique récurrent ont pu être mis en évidence : le mannitol-1-phosphate, l'acide 3,4-dihydrobenzoique et l'isorhamretin. Parallèlement, lors de la phase reproductive l'accumulation d'ABA et de cGMP au sein des racines pourrait être impliquée dans la tolérance au stress hydrique via l'induction de la fermeture des stomates notamment. Lors de cette période de stress, l'accumulation d'asparagine pourrait être impliquée dans un meilleur maintien du statut azoté de la plante. Enfin, grâce aux signatures ionomiques des carences nous avons pu observe la mise en place d'une carence en Mo quel que soit le type de stress appliqué. Cela suggère qu'une supplémentation en Mo pourrait être bénéfique à la culture de pois pour limiter l'impact négatif du stress hydrique. Et enfin nous avons pu mettre en avant une « empreinte écophysiologique » du stress impliqué dans la mémoire du stress chez le pois : l'augmentation de l'initiation de la nodulation lors de la période de réarrosage. Dans l'ensemble, ces résultats donnent de nouvelles perspectives pour la compréhension de la mémoire du stress hydrique chez les plantes de pois et offrent de nouvelles perspectives sur la résilience du pois aux événements de stress hydrique récurrents : d'une part pour affiner la fertilisation et d'autre part vis-à-vis des stratégies de sélection végétale.

Thèse soutenue le 21 Juin 2022

Composition du jury:

ophie Brunel-Muguet (UMR EVA, Caen, rapportrice),

Denis Vile (UMR LEPSE, Montpellier, rapporteur),

Nathalie Leborgne-Castel (UMR Agroécologie, Dijon),

Nathalie Pourtau (UMR EBI, Poitiers)

et Dominique Rolin (UMR BFP, Bordeaux)